Fixeur: le coût de la guerre.

Un général britannique disait tout récemment que les combats dans le Sud de l’Afghanistan sont plus violents qu’en Irak… Quels sont les journalistes qui vont encore sur le terrain, du côté des civils et des combattants afghans pour témoigner de la situation ? Une poignée.

Et encore faut-il avoir les moyens.

Sans fixeur, il est impossible de travailler dans le pays. Ils sont indispensables aux journalistes étrangers: un fixeur -afghan- a un « carnet d’adresse ». Il est là pour assurer notre sécurité et nous permettre de travailler dans un pays dont les codes ne sont pas les nôtres. Ses « amis » sont nos « amis » et se doivent de nous accueillir. Le reporter est alors protégé par un réseau de confiance, de relations de business ou d’amitiés apporté par le fixeur.

Mais il est devenu très « coûteux » de couvrir le conflit afghan. Les fixeurs sont peu nombreux, aujourd’hui, à accepter de partir faire un reportage dans le Sud ou toute autre zone de combats. Ils sont souvent un peu voyous, magouilleurs. Comme la majorité des Afghans, ils vivent surtout au jour le jour, cherchant à gagner le maximum d’argent pour se protéger eux et leurs familles. Maintenant, impossible de payer un fixeur moins de 150/200 dollars par jour pour aller dans les zones dangereuses.

Pandjwaï

Depuis cette été et la première « embed » chez les Taliban en 5 ans, les fixeurs et les journalistes ont réalisé qu’il était de nouveau possible de suivre ceux qu’on appelle les « insurgents ». Mais ça se paie aussi. Très cher.

En juillet, c’était 750 dollars par journaliste, pour une rencontre de quelques heures avec des combattants. Sans aucune assurance de réussite. En novembre, on demande min. 3000 dollars pour un coup.

Un business lucratif qui met en péril la qualité de l’information sur le pays. Quand de grands media sont prêts à débourser 10000 à 15000 dollars pour faire un reportage chez les Taliban, la surenchère n’a plus de limite. Les journalistes qui passent derrière ne peuvent plus travailler…

Et la question se pose aussi sur la destination de ces sommes. Le fixeur garde-t-il l’argent ? Les « intermédiaires » payés sont-ils des profiteurs? Les dollars arrivent-ils directement dans la poche des combattants ?

Kandahar

Cette hausse des prix est un bon exemple de la situation critique dans laquelle se trouvent l’Afghanistan. C’est soit le signe que les Taliban font une dernière offensive, avant de se retirer pendant tout l’hiver. Soit, peut-être, le signe que le pays est sur le point d’imploser.

5 comments

  1. Je travaille parfois comme fixeur (en fait, on nous appelle des stringers ou local producers, mais il n’y a pas de grandes differences) en Roumanie, pour des medias etrangeres. Pensez-vous que le payement du fixeur n’est pas justifie?

    Bien-sur, il y a partout des profiteurs ou des gens malhonettes, mais voyons. Les choses se voient differement du point de vue du fixeur. Tres souvent, on fait la plupart du travail, on trouve le story et on prepare toute la production d’avance. Les demandes des journalistes occidentaux sont parfois stereotypes et d’autres fois ils viennent avec leur histoire dans la poche. J’ai assiste meme a une journaliste d’une grande television etrangere qui enregistrait des voice-overs qui n’avait aucune rassemblance a ce que les gens disaient en roumain.

    J’aimerais qu’on se respecte un peu si on travaille ensemble.

  2. Iulian,

    je suis d’accord avec toi sur ce point, le plus important : dans les pays où je travaille, les journalistes étrangers ne font rien sans les fixeurs ou les stringers. Ils font tout le travail d’enquête, de contacts. Et ils prennent des risques aussi, souvent bien plus que nous.
    Par contre, j’apprécierais que tu ne parle pas de manque de respect… Je les respecte et ne les juge pas. Mais je ne suis pas une envoyée spéciale, je vis et travaille ici et je ne peux pas payer 3000 ou 5000 dollars pour partir dans le Sud de l’Afghanistan. Par ailleurs, j’aimerais que toi, tu fasse preuve de respect, sans généraliser: les journalistes ne sont pas tous malhonnêtes et ne trichent pas forcément tous.
    à bientôt par e-mail,
    claire

  3. Ayant vu votre nom sur le site d’hamsa-press.com, est-il exact que des témoignages de soldats français attestent que les Américains ont interdit aux soldats français d’arrêter ou de tuer Ben Laden et que les mêmes américains approvisionnent en armes les Talibans autant que le Gouvernement karzaï ?
    My God….

    Cordialement
    L’Abrincate

  4. L’Abrincate,
    Je me suis aussi posée la question concernant la fuite de Ben Laden. En fait, un reportage a été diffusé sur la chaîne Planète: « Ben Laden: Les ratés d’une traque ». Un reportage complet qui explique le rôle des américains et leur prise de positions dans cette affaire.
    On peut le trouver sur Daily Motion en deux parties.
    Bonne vison, si c’est pas déjà fait!

    Cordialement.
    Sabine

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