Le policier en uniforme camouflage lève le bras et pointe du doigt les collines face à lui. Le paysage est escarpé et quelques arbustes recouvrent les hauteurs rocailleuses. Vous voyez, là-bas, c’est la ligne frontière avec le Pakistan. Sept bases militaires pakistanaises sont installées. On distingue effectivement, au loin, les bastions pakistanais. Zaman Khan commande la poste de la police afghane des frontières, à Babrik Tana. Devant lui, le Waziristan. Cet endroit des mystérieuses zones tribales pakistanaises, inaccessible aux étrangers, où vivent des Taliban pakistanais. La colère envers le voisin est perceptible et le policier ne mâche pas ses mots. Pendant la nuit, les Taliban passent la frontière, combattent les forces afghanes, posent des bombes sur les routes. Et les forces pakistanaises jouent un double jeu. Face à nous, ils disent qu’ils nous soutiennent. Mais dans notre dos, ils donnent des armes et de l’argent aux Taliban. Un discours répété par tous les policiers de la province de Khost. Le Pakistan est un ennemi, comme les militants taliban. Nous défendons notre pays, explique le chef de la police des frontières de Khost, Kaseem Khail. Mais cette frontière n’est pas officielle. Elle nous a été imposée et nous ne la reconnaissons pas. Pour nous, Afghans, la démarcation est plus loin à l’intérieur du Pakistan. La ligne Durand sépare les deux pays sur quelques 2400 kilomètres. Des deux côtés vivent les mêmes familles et les locaux traversent tous les jours la frontière sans être fouillés, sans passer une clôture. Il suffit de suivre un chemin poussiéreux qui serpente au milieu des collines surplombées par les postes de police et de l’armée. Les combattants Taliban n’ont donc aucune difficulté pour se déplacer.
A Gulam Khan, un autre poste frontière de Khost, les policiers vivent et dorment sous des tentes. Assis avec les autres sur des tochaks -les lits afghans fait de bois et de cordes tendues- Mohammed Ibrahim attend. Commandant la branche urgence de la police des frontières, il observe d’un regard dur la route poussiéreuse qui mène à la frontière pakistanaise, au milieu des montagnes. Nous n’avons pas de moyens pour combattre : Pas d’armes lourdes, et pas assez de munitions pour nos kalachnikovs. Dans ces conditions, nous sommes courageux de faire face aux Taliban, dit-il avec colère. Nous ne pouvons pas défendre correctement notre pays aujourd’hui. Le gouvernement devrait nous donner des armes et un salaire décent. Les policiers sont payés l’équivalent de 55 euros par mois et sont de plus en plus nombreux à quitter leur poste, déçus des conditions de travail.
Difficile de concilier les enjeux politiques avec la lutte contre l’insécurité… En laissant la frontière ouverte à tous, les Afghans laissent aussi le champ libre aux Taliban. La province de Khost est considérée comme calme, pourtant le mois dernier, 40 bombes ont explosé sur les routes. Et les premiers visés, sont les policiers afghans.